La rupture conventionnelle à l’initiative de l’employeur reste un moyen souple de mettre fin à un CDI, à condition que l’initiative soit un accord mutuel. Si l’employeur propose cette formule pour des raisons économiques, organisationnelles ou managériales, il est impératif de respecter un cadre légal rigoureux. Que peut proposer l’employeur ? Quels sont les droits du salarié ? Et comment négocier au mieux cette rupture ? Cet article explicite les conditions, les indemnités minimales et supra-légales, les démarches à suivre, et les conséquences concrètes, afin d’éclairer employeurs et salariés sur ce dispositif encadré par le Code du travail.
Sommaire :
Le cadre légal de la rupture conventionnelle
Avant de négocier, il est essentiel de maîtriser le cadre juridique imposé par la loi et la jurisprudence.
Définition et conditions de validité
La rupture conventionnelle est une rupture amiable d’un CDI conclue par accord entre employeur et salarié, validée par homologation de la DREETS. Elle est possible même si l’employeur propose, à condition que le salarié y consente librement et sans pression .
Cette rupture est possible à tout moment, y compris en cas de suspension du contrat pour maladie, maternité ou accident, sauf dans certains contextes comme la procédure de licenciement économique collectifs.
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Pourquoi l’employeur peut initier la rupture ?
L’initiative de l’employeur peut répondre à plusieurs enjeux stratégiques ou financiers.
Réduction des effectifs sans procédure lourde
Proposer une rupture conventionnelle permet à l’employeur de mettre fin à une relation de travail sans passer par une procédure de licenciement, qu’elle soit économique ou disciplinaire. Cela contribue à maintenir un climat de travail respectueux et apaisé. Par exemple, de nombreux dirigeants préfèrent cette option lorsqu’un collaborateur ne correspond plus aux attentes de l’entreprise, évitant ainsi des procédures lourdes et potentiellement conflictuelles.
Éviter des procédures conflictuelles et show d’images
En 2023–2024, les ruptures conventionnelles représentent un choix de plus en plus fréquent : en T1 2024, pas moins de 132 468 ruptures ont été conclues, soit +2,3 % par rapport à la fin 2023.
Malgré la hausse des cotisations patronales de 20 % à 30 %, le recours à ce dispositif a atteint un niveau historique, avec un record trimestriel en 1er trimestre 2024.
Adaptation à l’évolution des besoins de l’entreprise
L’employeur peut également initier une rupture pour s’adapter aux changements stratégiques de l’entreprise, tels que la mise en place de nouvelles technologies ou de nouvelles méthodes de travail qui ne correspondent plus aux compétences d’un salarié.
Optimisation des coûts
Enfin, proposer une rupture conventionnelle peut permettre à l’employeur d’optimiser les coûts liés à la masse salariale, en évitant des charges supplémentaires liées à des licenciements conventionnels ou à des litiges potentiels.
Le rôle central du consentement du salarié
Pour que la rupture soit valide, le salarié doit donner un consentement clair, éclairé et volontaire.
L’employeur a l’obligation d’organiser au minimum un entretien pour exposer les motifs, les attentes et les conséquences de la rupture. Cet entretien doit offrir un espace où le salarié peut poser des questions et exprimer ses préoccupations.
De plus, le salarié a le droit de se faire accompagner par un représentant du personnel ou un conseiller externe, afin de s’assurer qu’il comprend bien les implications de sa décision.
Il est crucial de préciser qu’une clause imposant un départ immédiat ou fixant une date antérieure à la signature de l’accord est considérée comme illicite. De plus, la période de rétractation de 15 jours calendaires doit être respectée, permettant ainsi au salarié de réfléchir à sa décision sans pression. Ce cadre vise à protéger les droits du salarié et à garantir que la rupture soit réellement le fruit d’un accord mutuel.

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Les modalités de l’indemnité de rupture
Le montant de l’indemnité est structuré et encadré, alternant minimum légal et supra-légale.
Calcul de l’indemnité minimale
La base légale minimale est :
- 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans,
- 1/3 pour les années suivantes.
Par exemple, un salarié avec 8 années d’ancienneté touchera au minimum :
2 500 € × 1/4 × 8 = 5 000 €.
Cette indemnité se calcule sur la rémunération mensuelle brute moyenne des 12 (ou 3) derniers mois, selon le plus favorable pour le salarié.
Indemnité supra-légale : négociation possible
L’indemnité complémentaire, dite supra légale, est librement négociable. Toutefois, si la rupture est à l’initiative de l’employeur, le surplus est souvent limité car l’employeur supporte des cotisations sociales et taxes élevées .
Chaque euro supplémentaire augmente le délai de carence pour l’indemnisation par France Travail, potentiellement jusqu’à 150 jours.
Procédure étape par étape
Plusieurs étapes encadrent la réalisation d’une rupture par accord mutuel, garantissant que le processus soit conforme aux exigences légales.
Entretien(s) de négociation
Le processus commence par un ou plusieurs entretiens de négociation. Lors de ces réunions, l’employeur présente son projet de rupture conventionnelle, en expliquant les raisons et les implications de cette décision. Le salarié a le droit de se faire accompagner par un représentant du personnel ou un conseiller extérieur, ce qui lui permet de mieux comprendre ses droits et de poser des questions.
Signature de la convention
Une fois qu’un accord est trouvé, une convention est rédigée. Ce document précise la date de rupture, le montant de l’indemnité, ainsi que d’autres éléments pertinents. Il doit être signé par les deux parties en deux exemplaires.
Délai de rétractation
Après la signature, chacune des parties dispose de 15 jours calendaires pour se rétracter. Ce délai est crucial pour permettre à chacun de réfléchir à sa décision.
Homologation
Enfin, la convention signée est envoyée à la DREETS pour homologation. Si l’administration ne répond pas dans un délai de 15 jours ouvrables, cela vaut homologation tacite de l’accord, finalisant ainsi le processus.
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Conséquences pour le salarié
Finalisée, la rupture conventionnelle entraîne plusieurs droits et avantages.
Allocation chômage et délai de carence
Le salarié peut prétendre à l’ARE via France Travail, avec :
- Un délai de carence de 7 jours,
- Un délai supplémentaire basé sur les indemnités supra-légales et congés payés, plafonné à 150 jours.
Régime social et fiscal avantageux
L’indemnité bénéficie :
- D’une exonération de cotisations jusqu’à 2 ans de salaire, dans la limite de 82 200 €,
- D’un abattement fiscal (50 % ou 2 ans de salaire, plafonné).
Documents remis à l’issue
À la fin, l’employeur doit fournir :
- Certificat de travail,
- Attestation Pôle emploi,
Reçu pour solde de tout compte .
Comparaison : rupture à l’initiative employeur vs licenciement
Choisir entre rupture conventionnelle ou licenciement dépend de plusieurs critères.
Simplicité et image externe
La rupture amiable est plus rapide. Elle évite :
- Procédure de licenciement,
- Risques contentieux (requalification, indemnités prud’homales…).
Indemnisation et droits du salarié
Avantage salarié :
- L’indemnité peut être négociée librement,
- L’accès aux allocations chômage reste préservé.
Inconvénient :
- Délai de carence plus long si indemnité élevée.
Risques pour l’employeur
L’abus ou pression sur le salarié peut entraîner une nullité, voire requalification judiciaire. La procédure doit rester volontaire et transparente.
La rupture conventionnelle impulsée par l’employeur est une solution souple, tant qu’elle repose sur un consentement sincère et respecte toutes les étapes réglementaires. Elle permet un accord équilibré, garantissant indemnisation, droits au chômage et image soignée. Employeurs et salariés gagneraient à maîtriser ce dispositif et à s’y engager de manière informée et équitable.






